Marielle Macé: politique de la cabane


"Faire des cabanes: jardiner des possibles". Dans son nouvel essai, Marielle Macé célèbre la cabane comme invention d'un autre mode de vie. Au début du livre, l'auteure revient à ses sources. Elle se rappelle les noues de son enfance en bord de Loire, nom de ces fossés herbeux qui permettent de stocker l'eau débordante. La noue, zone à défendre et emblème de la fragilité des zones humides, dont les deux tiers ont disparu au XXe siècle en France. Derrière ce toponyme, Marielle Macé pose son impératif militant: il faut passer d'une société d'abondance à un monde de liens à nouer. Comment vivre dans ce monde abîmé? Par la poésie et les cabanes, à partir desquelles édifier un "parlement élargi" des vivants, qui "rassemblerait sur la scène politique humains et non-humains, hommes et bêtes, fleuves, pierres, forêts..." Pour sortir du dualisme homme-nature, il faut entendre ce qui ne parle pas "mais n'en pense pas moins". Face à la catastrophe écologique, aux crises de l'accueil des migrants, Marielle Macé invite chacun à agir en être parlant, afin de mieux rendre compte du monde, de son langage et de ses silences grandissants. Entendre se taire les oiseaux, dit-elle, afin de dire quel est le monde que l'on souhaite partager avec eux, en compagnons voyageurs des oiseaux et des êtres d'une seule biosphère. Cet opuscule bref, d'une formidable densité, ne se réduit donc pas à un beau poème de la cabane. C'est un manifeste écopolitique, dont le projet est de "reconnaître les êtres de la nature comme des partenaires politiques". Cesser de considérer la planète comme le simple décor du génie humain: "Le monde muet est notre seule patrie", disait déjà le poète Francis Ponge.


Marielle Macé: Nos cabanes, éd. Verdier. 128 pages, 6,50€

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