Dominique Leroy, une oeuvre plurielle



Né en 1948 à Nantes, de parents franco-britanniques (Suzanne Hengets et Robert Leroy), Dominique Leroy manifeste dès l’enfance ce qu’il appelle sa « pulsion graphique ». Diplômé de l’École nationale des beaux-arts de Nantes, il est peintre, sculpteur, scénographe, décorateur. La face la plus connue de cet artiste contemporain, parfaitement informé des plus récentes avancées de son art, est la façade de sa maison, « habillée comme un fond de scène », quai Boulay-Paty à Paimboeuf. Décor, donc, d’un opéra imaginaire qui tiendrait l’affiche deux saisons avant de laisser la place à l’oeuvre suivante, patchwork d’étoffes, de chambres à air ou « maison électronique » où les composants d’ordinateurs et les métaux rares semblent donner le contrechant à la raffinerie de Donges, dans un oratorio de l’âge carboné. Parallèlement à cette activité d’archéologie des signes de l’ère industrielle, de street art, Leroy est un peintre, avant tout. Si pour lui tout commence et tout finit par le dessin, il est également un grand pétrisseur de matière, de couleur, un jongleur de techniques les plus diverses, à commencer par le collage. Artiste du grand format, où coulures, taches et zébrures semblent faire le travail seules, il reconnaît sa dette au cubisme de Braque et Picasso. Dominique Leroy est aussi sculpteur. Plié dans ses mains, un boîtage de carton devient visage. Il recourt au découpage et colle nez, bouche ou paire d'yeux, façon cubiste. L’oeuvre est plurielle: décor urbain, mais aussi très grands formats quasi abstraits en noir et blanc sur la Loire, collages innombrables, et visages, foule de regards, profils, de têtes, tout un peuple mystérieux assemblé autour de Leroy. Il utilise le chaos et détruit les signes de reconnaissance pour proposer une figuration seconde, qui viendrait ensuite, en une sorte de retour figural du portrait. « Si on demande à l'artiste nantais s'il peint des autoportraits, il répond que non, en souriant. Mais ce sourire cache une autre vérité. Ces visages fragmentés, objets d'un cabinet de curiosités, ne sont pas sans rappeler l'oeuvre de Juan Gris, où les peintures grand format sont constituées de couches de collages, d'épaisseurs de camouflages, de grattage, reflet d'un processus de création qui est aussi celui de sa propre construction. »
Il peint en effaçant et dans sa course se dessinent des visages, de face, de profil, volontairement inachevés et involontairement mutilés, regard effacé et comme surgissant des couches successives. Le peintre ne cache pas ses « difficultés avec la représentation ». On le rapproche parfois de Gerhard Richter, pour sa liberté, les expressionnistes de l’Allemagne de l’après-guerre et particulièrement Max Beckmann, mais aussi Gérard Garouste, dont il partage le goût pour les associations d’idées, les atmosphères inquiétantes et joyeuses, peuplées d’êtres parfois fantastiques à la Jérôme Bosch.

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